DÉCHIRER LES NUAGES

(2021-22)

Conception et performance : Bruno Danjoux et Marika Rizzi

Déchirer les nuages est né d’un élan spontané, ou peut-être un peu réfléchis, de la part de Bruno. Il avait envie de faire quelque chose avec de la terre et l’occasion de prendre un verre assis au soleil dans la cour des archives nationaux a donné les ailes à ce désir. Le point de départ était l’idée de travailler chacun.e avec l’équivalent de son propre poids en terre (80kg pour lui et 50 pour moi). N’ayant pas d’expérience avec cette matière, cela me paraissait tout à fait envisageable de soulever 50kg, après tout en danse on peut arriver à porter jusqu’à trois fois son propre poids. Mais dans mes évaluations j’avais omis un détail de taille … ce qui permet de soulever trois fois sa propre masse est la dynamique donnée par des situations en mouvement, or, l’inertie et la densité d’une motte de terre en font des socles impossible à déplacer, même d’un iota. Je reviens en arrière, la proposition de Bruno de questionner la plasticité de la terre et de travailler ensemble avec cette matière, incluait le désir pour lui de retourner à Paillard, où dix ans auparavant il avait danse à côté de Stéfanie Ganachaud le duo des Trois Boléro d’Odile Duboc, cela à l’occasion de l’inauguration du Centre d’Art Contemporain aux Moulins de Paillard sous l’impulsion de Shelly De Vito et de James Porter. Les retrouvailles à Paillard étaient un fête pour nous tous et toutes et les deux semaines passées autour de ce projet un vrai bonheur. Bruno est un poète, son énergie est très ancrée et légère à la fois, travailler à côté de sa tonicité est vraiment agréable. Nos parcours respectifs dans ce duo sont parallèles, il se rejoignent néanmoins dans une danse commune. Pour nous deux il est question de se confronter au poids des mottes de terre; moi dans la résistance en soutenant l’équivalent de la moitié de mon poids jusqu’aux limites de mes forces pour laisser ensuite le geste se déployer dans la lenteur donnée par l’effort; Bruno dans une relation plus plastique, en la tapant, en la malaxant pour créer des formes, en la trompant dans de la peinture pour en faire des tableaux d’où émergent des nuages. On prenait le temps de discuter, toujours, comprendre où on allait avec ça, nos attentes, nos ressentis. Chaque matin et journée avait le goût d’un rituel, intime et partagé et le travail reflète ces aspects. Déchirer les nuages est un voyage dans des mémoires vécues et imaginaires, une traversée lointaine que le poids de la terre amène au présent, on y dépose des vestiges, des bouts de nous qu’on porte et qui glissent sur nous pour nous quitter. C’est une histoire de traces, elles déchirent le présent et nous rappellent que même les plus éphémères laissent une empreinte. 

L’espace que nous avions choisi parmi les nombreuses possibilités qu’offrent les Moulins, était la toute dernière salle à l’étage, la plus refoulée mais la plus « habitée ». Nous avions passé un jour et demi à nettoyer le sol et à l’aménager. Bruno avait besoin de supports pour poser ses outils de peinture, toutes les matins il arrivait en premier et peignait au moins une toile, deux fauteuils, une chaise pour préparer mon dos au mouvement … bref, l’un et l’autre arrive toujours avec ses bagages, plus or moins légers, avec lesquels on se met au travail.

Production 

Les Moulins de Paillard, Poncé sur le Loir

Coproduction

ass. SPONTé

Nous sommes à la recherche de lieux qui nous permettent de poursuivre le travail et d’en présenter les étapes. Déchirer les nuages peut être présenté dans sa forme actuelle, notre désir est de continuer à questionner le geste et la relation avec cette matière malléable et massive qu’est la terre noire.